Genèse d’une passion

    Enseignant l’histoire passionnante du Moyen Âge, j’ai eu fréquemment l’occasion d’admirer les enluminures illustrant les manuscrits de cette période. Elles représentaient pour moi des oeuvres d’une dextérité et d’une minutie incroyables. Et je m’étonnais souvent de retrouver intactes, des siècles plus tard, les teintes délicates et la brillance de l’or.

Un jour, dans la salle des professeurs, une affiche nous invita à visiter une exposition d’enluminures et de calligraphie dans un village à proximité.Cette visite me permit de bavarder avec l’artiste qui m’encouragea à suivre un stage d’initiation.

Voici donc ma première production lors de ce stage.

Noble, le lion couronné, assis sur son trône face à cinq de ses sujets :

-Brichemer, le cerf, son sénéchal,
-Bernart, l’âne, l’archiprêtre,
-Ysengrin, le loup, connétable du roi,
-Renart, le goupil, seigneur de Maupertuis,
-et Couart, le lièvre.

Cette oeuvre est extraite d’un manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale.

Ce premier essai était destiné à étendre des aplats, placer des rehauts et tracer à main levée un décor de frise autour de l’image centrale.

Le troisième jour, notre maître de stage nous lança sur un sujet religieux :

 une Nativité insérée dans la lettrine “D”,

d’après le Livre des Sentences de Pierre Lombard, conservé à la Bibliothèque Nationale.

La Nativité

Travail plus délicat.

Joseph est assis au pied du lit où est allongée la Vierge Marie. Curieusement, l’Enfant-Jésus semble perché dans le râtelier de l’âne et du boeuf.

Il nous a fallu donner l’impression de volume au corps allongé et à l’enfant emmailloté, à l’aide de rehauts en courbe.

Le dessin des visages fut pour nous un second défi : il ne s’agissait pas de donner à Marie un teint rubicond ou d’affliger les personnages divins d’un strabisme du plus fâcheux effet !

Nous avons été particulièrement attentifs à rendre la transparence du voile. Il nous restait à peindre l’or en coquille de façon très régulière et à tracer à main levée les rehauts blancs qui décorent et éclairent si bien la lettrine “D”.

Pour clore la semaine, une oeuvre originale conçue par chaque stagiaire.

Carpe Diem

J’ai choisi un extrait du Sonnet à Hélène de Pierre de Ronsard,

 illustré par des roses en fleur ou en bouton, symbole du côté éphémère de la vie.

Carpe Diem” ,cueille le jour en latin,

profite du moment présent car la vie est courte,

courte comme la vie d’une rose.

L’année suivante, j’ai suivi un stage de perfectionnement. Le premier exercice consistait à illustrer un extrait d’une fable de La Fontaine.

Voici donc :

L’HIRONDELLE ET LES PETITS OISEAUX

Cette hirondelle, au cours de ses migrations, a beaucoup appris et transmet son expérience et sa sagesse aux petits oiseaux sédentaires, étourdis et naïfs, proies faciles pour les prédateurs.

L’Hirondelle et les Petits Oiseaux

Cette production m’a permis de travailler plus particulièrement les techniques suivantes :
-comment évoquer un mouvement (attitudes variées des petits oiseaux)
-comment donner l’impression de volume (pour les pierres et les branches, par exemple)
-l’écriture onciale.

Pour terminer le stage, grand moment : le travail sur parchemin.

Parmi tous les modèles proposés par notre professeur, j’ai choisi :

 un Dragon enserrant entre ses pattes griffues la lettre “J”.

Il s’agissait tout d’abord de préparer la peau, de la fixer sur une planchette avant d’y reporter le dessin et de repasser les traits de crayon au feutre Micron.

Vint alors la pose de la mixtion à l’huile sur la lettre “J”. Pendant le séchage, nous avions tout le temps nécessaire pour réaliser notre peinture avec des pigments en poudre et un liant adapté.Et lorsque la mixtion fut presque sèche, avec une grande minutie et beaucoup d’application, j’ai posé les feuilles d’or libre sur le “J”.

Le Dragon

En comparaison, les aplats en plusieurs couches, les ombres pour offrir du volume, les rehauts blancs pour éclairer et donner de la transparence aux ailes, les éclats dorés de l’interminable crinière et de la fureur jaillissant des naseaux du dragon m’ont paru non pas simples, mais beaucoup plus reposants à exécuter !!!

LE HERON

 

 LES PRÉNOMS

À cette époque du début de ma retraite professionnelle, j’ai réalisé chaque année un voyage lointain. J’en suis revenue plus riche de connaissances et ma liste d’amis s’est bien allongée.

L’idée m’est venue de leur faire la surprise et le plaisir d’un message où apparaîtrait leur prénom à l’initiale ouvragée.

Au retour de Chine, mes nouveaux amis éparpillés de la Drôme au Jura et à la région parisienne ont donc reçu les cartes suivantes :

Pour Odile, de Fontainebleau

Pour Pierre et Dany, de Montélimar.

Pour Jacqueline, de Levallois-Perret.

Pour Paul et Yvonne, du Jura.

Chacune était l’occasion d’explorer de nouvelles techniques, ou de nouveaux sujets ou de nouvelles périodes :

-sujet biblique,
-dessin réaliste,
-entrelacs romans,
-livres d’Heures de l’époque gothique.
Pour son anniversaire, mon amie a reçu ses initiales associées sous deux techniques très différentes :
-dans le style Arts and Crafts de la fin du XIX° siècle :

Pour Liliane. 1

-dans le style “Coquillage”.

Pour Liliane.2

Toujours dans le même style, le”A” de Albert et le “M” de Mireille .

Pour Mireille

Pour Albert

Et une carte pour Emmanuel, Armelle et leur petit Thomas :

Pour Emmanuel, Armelle et Thomas.

 CADEAUX POUR EVENEMENTS PARTICULIERS

Pour le départ à la retraite d’un ami enseignant, j’ai imaginé de lui offrir

le BONUS MAGISTER, le bon maître en latin,

 associé au proverbe ” Qui bene amat bene castigat”.C’est-à-dire “qui aime bien châtie bien”. 

Bonus Magister.

L’illustration représente une scène scolaire médiévale où le maître brandit une férule de la taille d’une massue pour mieux faire entrer la leçon dans la tête dure de ses disciples. Un élève dissipé oublie d’écouter le maître pour se distraire de manière irrévérencieuse dans l’initiale “Q” du proverbe.

Pour le mariage de Stéphanie et François, j’ai choisi la fin du

LAI DU CHEVREFEUILLE de Marie de France,

illustré par un dessin inspiré du Manuscrit de Manesse, le tout réalisé sur parchemin.

Pour Stéphanie et François.

Ce texte dit :

“Comme le chèvrefeuille qui s’enroule autour du noisetier, quand il s’y est enlacé et qu’il entoure la tige, ils peuvent continuer à vivre ainsi longtemps. Mais si l’on veut ensuite les séparer, le noisetier a tôt fait de mourir, tout comme le chèvrefeuille.

Belle Amye, si est de nous,

 Ni Vous sans Moi, ni Moi sans Vous”.

 À l’occasion du mariage de ma jeune voisine, j’ai associé

une SCÈNE DU ROMAN DE LA ROSE

aux deux vers fameux de Rosemonde Gérard :

“Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage,

 Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain”.

Pour Marion et Arnaud

Et pour fêter l’ordination de Loïc, voici une page d’un antiphonaire, partition de chant grégorien du XV° siècle, retrouvée au monastère cistercien de Zwent en Autriche et dont l’original est conservé à Philadelphie. On peut y lire, en latin, des passages des psaumes 14 et 18 des matines de Noël.

Pour Loïc et Patricia.

Cette partition a également été offerte à ma collègue Patricia, professeur de musique de mon collège, qui m’a fait l’honneur de l’afficher dans sa salle de musique.

Enfin, au retour d’une semaine en Turquie, j’ai composé pour Claire une aquarelle rappelant nos bons souvenirs communs, autour de la sentence quotidiennement répétée par notre guide Mustafa.

Pour Claire.

Puis, je me suis lancée dans les modèles proposés par Aline Falco dans son Art de l’enluminure.

Voici

LA DAME A LA LICORNE

d’après le manuscrit de la Bible de Winchester, datant du XII° siècle. (feuille d’or libre sur mixtion à l’huile).

La Dame à la Licorne

 LE MEDAILLON CAROLINGIEN

réalisé avec de la poudre de bronze sur papier aquarelle.

Le Médaillon Carolingien

Et

LE “N” FILIGRANE

dans le style gothique, à la plume à dessin avec de l’encre de calligraphie rouge.

La Lettre Filigranée N

Lors d’un déplacement, j’ai mis la main sur le livre de Claire Travers Initiation Enluminure.

Ses enluminures m’ont séduite. Elle a une manière de peindre différente. Les couleurs semblent se diluer, se fondre progressivement, donnant à l’ensemble beaucoup de poésie.

Je vais maintenant m’employer à réaliser quelques-uns de ses modèles.

Tout d’abord,

LA LETTRINE “C”

Tirée du Livre des Sentences de Pierre Lombard (Vers 1170).

La Lettrine C

J’ai essayé de rendre l’impression d’ombre et de lumière par des bandes de teintes de plus en plus claires et de réaliser des rehauts blancs les plus fins possible. Le cadre est traité à l’or en coquille assez dilué.

Et aussi

L’ELEPHANT ET LE DRAGON

Un gentil petit éléphant étouffé par les multiples anneaux d’un dragon aux dents inutiles mais assez  impressionnantes.

L’éléphant et le Dragon.

Ne disposant pas de parchemin au moment de son exécution, j’ai réalisé cette enluminure sur papier aquarelle assez épais. Le fond est doré à la poudre de bronze et les couleurs à l’aquarelle.

La technique du rendu des ombres et de la lumière par bandes fines de plus en plus claires est la même que pour la lettrine “C”. Mais les mélanges de couleurs sont beaucoup plus élaborés.

Je viens de me procurer du parchemin : je vais donc refaire cette enluminure et je verrai bien la différence de résultat.

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