Pêches normandes

   Lors d’un voyage au Québec, j’ai rencontré un couple charmant que j’ai le bonheur à présent de compter dans mon cercle d’amis.
Lors de notre entrevue à leur domicile, la conversation s’orienta vers le jardinage. Et j’expliquai que l’année précédente avait été prodigue en fruits : pommes, poires, coings, quetsches et brugnons. En entendant ce dernier mot, le mari (nous l’appellerons Henri), émit quelques réserves. Vraiment ? Nous avions consommé des pêches du jardin ? En Normandie ? Il ne me contredit pas, mais je le sentais sceptique.
Il faut dire qu’originaire du Sud-Ouest, les fruits, ça le connaît : Agen, Villeneuve-sur-Lot, Marmande, ces noms fleurent bon la tomate, la prune d’ente ou les légumes primeurs. C’est là qu’il faut aller chercher les pêches, pas en Normandie !
Vers le 15 août suivant, nous les avons invités à passer l’après-midi chez nous. La date choisie ne devait rien au hasard : le brugnonier, à cette période, est chargé de fruits mûrs. Naturellement, nous avons fait le tour du propriétaire et nos pas nous ont conduits vers l’arbre à quetsches et son voisin le brugnonier.

Le brugnonier
Soudain, Henri demeura interdit :
– Mais, ce sont vos brugnons !
Il allait d’étonnement en étonnement.
– Mais ils sont mûrs! Je peux y goûter ?
Evidemment, il pouvait y goûter ! Je jouissais intérieurement de son émerveillement d’enfant devant un arbre de Noël.
– Ils ne sont pas gros, mais très sucrés !
Et sa main se tendait, gourmande, vers d’autres fruits.

   Cet après-midi-là, nos deux amis n’étaient pas au bout de leurs surprises.
Nous sommes allés nous promener à quelques kilomètres, en plein Pays d’Auge. Là, nous avons garé la voiture sur le bas-côté d’un petit chemin de terre et continué à pied par une sente vers un champ enclos de grillage.
– Non ! Ce n’est pas possible! Un vignoble ? En Normandie ?
Et Henri admirait les rangs de vigne soigneusement entretenus par le propriétaire.
Cette fois, des explications s’imposaient :
En effet, en plein Pays d’Auge, il existe un joli petit vignoble entretenu avec amour par un ancien notaire dont c’est la passion depuis toujours. Après s’être instruit, formé et perfectionné en Bourgogne, dans cette activité étonnante pour un Normand, il a déniché un terroir déjà connu au Moyen Âge, idéalement orienté et protégé des vents dominants et dont l’hygrométrie est plus basse que dans les environs.

L'unique vignoble normand
Il produit chaque année des vins blancs de très bonne tenue qui accompagnent avec bonheur poissons et desserts. Cette année-là a vu la première production de vin rouge.
Restait à y goûter. De retour à la maison, nous avons débouché un flacon de ce nectar et notre expert l’a trouvé excellent. Nous avons appris depuis qu’il avait fait découvrir cette merveille inattendue à quelques-uns de ses amis.

Qui a dit qu’il pleuvait toujours en Normandie ?
Et que mis à part la pomme…?

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