Jeudi 14 décembre
Réveil à 5h moins le quart. Un petit café et une banane, voilà un en-cas suffisant pour aller sur les ghâts. La fin du trajet se fait à pied, au milieu des passants, des motos, des autos, des vaches, des chiens, des ordures, des flaques d’eau : à Bénarès, il faut être constamment vigilant.
Arrivés sur les ghâts (= escaliers au bord du fleuve, où se déroulent des actes de la vie quotidienne), nous montons dans une barque qui va nous faire remonter le Gange.
Cela nous permet d’observer les pèlerins venus faire leurs ablutions près du grand fleuve sacré. Beaucoup, aussitôt après, y lavent leurs vêtements qui se trouvent ainsi purifiés. Certains s’aspergent, d’autres s’immergent, nagent même dans cette eau sûrement infestée de microbes de toutes sortes. Et pourtant, les boutiques de la grande rue vendent toutes sortes de récipients destinés à rapporter le précieux liquide à la maison. Exactement comme à Lourdes.
Un peu plus loin, un groupe de jeunes accomplit un rituel permettant de devenir brahmine. On aperçoit, près des bords, des temples et des palais. Cela nous rappelle que nombre de personnes importantes ont souhaité habiter près du Gange car tout hindou qui meurt à Bénarès a la certitude de voir son âme aller tout droit au ciel et d’échapper au cycle sans fin des réincarnations.
C’est également là que se trouve la maison du raja de la puissante caste des Doms, ces intouchables seuls autorisés à manipuler les cadavres.
Le soleil se lève sur le Gange, baignant de sa douce lumière barques et oiseaux marins.
Nous remontons à pied, tranquillement, les ruelles étroites pour retrouver notre bus. En chemin, nous rencontrons des tonnes de rondins sur des barques, sur des vélos traînant une charrette, en tas près du lieu des crémations. Des chiens se sont endormis sur les cendres encore tièdes de la nuit dernière…
Dans ces ruelles, pas de voitures, mais des deux-roues pétaradants, des chiens, quelques vaches, des enfants partant à l’école, des Sadhus partant méditer au bord du fleuve. Et aussi quelques belles maisons décorées et des petits autels de rue.
Il était temps de prendre un vrai petit déjeuner, avant de partir pour Sarnath. En chemin, Bertrand, qui est un spécialiste, nous expose la vie du Bouddha et sa pensée, mais il n’a pas le temps de terminer car nous voilà arrivés.
Sarnath est un lieu important du Bouddhisme : c’est là que le Bouddha a prononcé son premier enseignement devant ses cinq disciples. Le Bodhi Tree serait un rejeton du banian sacré sous lequel le Bouddha a reçu l’Illumination à Bodhgaya.
Dans le temple voisin, nous voyons des peintures représentant les moments importants de sa vie.
Ce temple abrite une réplique en or d’une statue de Bouddha du V° siècle, aujourd’hui conservée au musée.
Puis nous sommes allés jusqu’au Dhamekh stupa, qui mesure 28 mètres de diamètre et 33 mètres de haut. C’est l’endroit exact où le Bouddha fit son premier sermon.
Sur ce site de plusieurs hectares, on peut voir les ruines d’un vaste monastère et les bases de stupas arasés.
Enfin, nous sommes passés par le petit musée qui regroupe nombre de statues retrouvées sur ce site lors des fouilles, notamment la stèle aux quatre lions et la magnifique statue du Bouddha enseignant. (Photos absolument interdites).
De retour à l’hôtel nous avons déjeuné de l’habituel buffet.
Le début de l’après-midi a été consacré à la visite du temple de Bharat Mata. À l’intérieur, est installée une très grande carte de l’Inde, en marbre, en 3D, à l’échelle. Au-dessus, est accroché le portrait de celui qui a réalisé ce remarquable projet.
Après un temps de repos, nous partons vers les ghâts en rickshaw. Notre cycliste est un as. Il sait se faufiler au milieu de la cohue avec une grande aisance, même si la fatigue se lit sur son visage en sueur.
Ce soir, les ghâts sont beaucoup plus animés que ce matin. On y prépare la cérémonie du bonsoir à la déesse Gange. De très nombreuses vaches ont tenu à faire le déplacement.
Chacun s’installe confortablement, qu’il soit spectateur ou officiant.
Nous reprenons le bateau du matin pour nous rendre sur le lieu des crémations. Bien que nous nous tenions à quelque distance par simple mesure de discrétion, le spectacle est difficile à supporter. La simple idée de crémation m’est étrangère, mais y assister, même de loin, me coupe la respiration. Nous déposons sur l’eau une bougie allumée au milieu d’un petit bouquet.
L’offrande s’éloigne rapidement, emportant avec elle notre vœu formulé. C’est un peu ainsi que j’imagine ma propre mort : telle cette bougie, ma petite âme, délaissant mon corps inerte, s’éloigne dans la nuit, en route vers le paradis…
Ensuite, notre batelier nous a conduits jusqu’au lieu où se déroule la cérémonie du bonsoir à la déesse Gange, car les touristes ne peuvent y assister que depuis le fleuve, sur des barques. Des prêtres conduisent cette cérémonie à l’aide de lumières, de chandeliers de feu, d’encens et exécutent une sorte de chorégraphie accompagnée de musique avec clochettes et tambourins. Chaque geste a évidemment une signification précise. Et même si tout cela m’échappe un peu, je reste fascinée par ces lumières, ces gestes rituels et cette musique envoûtante…
En retournant vers notre rickshaw, lentement, dans la nuit, je fais la connaissance improbable de “Marco Polo”, un jeune vendeur de cartes postales qui, à défaut de faire du commerce, a bavardé avec moi en anglais (très hésitant, en ce qui me concerne), pendant une bonne vingtaine de minutes : une jolie rencontre.
Et notre cycliste reprend son fatigant voyage jusqu’à notre bus.
Le repas du soir autour d’une table ronde nous permet de partager nos impressions après cette émouvante soirée. Demain, nous pourrons faire la grasse matinée.
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À suivre : Adieu, l’Inde, bonjour, la France !